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En Cornouaille, on va à l’école de Pont-Aven

Le nom d’École de Pont-Aven regroupe sous une même appellation des artistes très différents venus régulièrement peindre à Pont-Aven à la fin du XIXe siècle. Le plus célèbre est sans conteste Paul Gauguin mais on compte aussi Émile Bernard, Paul-Émile Colin, Paul Sérusier, Charles Filiger, Maxime Maufra, Henry Moret, Ernest de Chamaillard…

J’aime la Bretagne, j’y trouve le sauvage, le primitif. Quand mes sabots résonnent sur ce sol de granit, j’entends le son sourd, mat et puissant que je cherche en peinture.

Lettre de Paul Gauguin à Emile Schuffenecker, 1888.

La recherche d’un refuge pour vivre à peu de frais et d’une échappatoire à l’ère industrielle pousse Paul Gauguin à quitter Paris pour venir séjourner en Bretagne dès 1886. Ce lieu est pour lui l’occasion de rejoindre une terre perçue comme « primitive », recherchée par les peintres comme un paradis perdu. Dès les premiers temps, Gauguin incarne aux yeux des artistes installés à Pont-Aven la modernité des avant-gardistes. Il y perfectionne son art et commence à se détacher de l’impressionnisme. La rencontre, en 1888, avec Émile Bernard constitue un tournant majeur. Les échanges entre les deux hommes sont si intenses qu’ils sont à l’origine d’une des ruptures les plus significatives de l’histoire de l’art, à savoir la création du synthétisme. Pour Gauguin et Bernard, l’esprit ne retient pas tous les détails de la nature et ne conserve que l’essentiel des éléments perçus. De cette idée va naître, entre autres, le tableau La Vision du sermon de Gauguin, conservée à la National Galleries of Scotland à Édimbourg. C’est à partir de cette œuvre que le critique Gabriel-Albert Aurier théorise le symbolisme. Couleurs posées en aplats, formes simplifiées et cernées caractérisent l’aspect de cette peinture nouvelle.

Les premiers « disciples » (Bernard, Chamaillard, Filiger, Jourdan, de Haan, Schuffenecker, Sérusier…), tout comme ceux de la deuxième vague (Denis, Maufra, Moret, Roy, Slewinski…), s’inscrivent dans ce nouveau mouvement artistique. La bonne parole se répand alors aussi rapidement qu’elle est inventée, notamment par le biais d’une exposition organisée par Gauguin et ses amis au Café des arts de M. Volpini à paris, en 1889. Cette exposition marque et inspire de nouveaux esprits, notamment les jeunes artistes qui ne se nomment pas encore « Nabis » (Denis, Ibels, Lacombe, Maillol, Roussel…). Les multiples séjours à Pont-Aven de Gauguin jusqu’en 1894 le voient de plus en plus adulé mais aussi contesté. Figure centrale de ce groupe, il rassemble des artistes, non comme un maître entouré d’élèves, mais comme un soleil autour duquel gravitent des astres apportant chacun leur vision et leur idée. De ce groupe, une liberté nouvelle jaillit. L’école de Pont-Aven a ainsi été une passerelle vers « l’art dans tout », prémices de l’Art nouveau, du fauvisme, de l’expressionnisme, puis de l’abstraction. En peinture, tout est désormais possible.

L’hôtel Julia est une institution à Pont-Aven, un lieu de passage obligatoire des artistes. Ils y logent, attirés par la réputation de l’hôtesse et de sa table. Dès 1900, la construction de l’annexe de l’hôtel avec sa nouvelle salle à manger, mais aussi ses chambres et ateliers aux étages, en fait un lieu idéal pour travailler. La mort de Julia Guillou en 1927, la crise de 1929 et les changements de mode de vie des clients entraînent la fermeture de l’hôtel en 1938. Après la Seconde Guerre mondiale, le bâtiment devient municipal et accueille la mairie. En 1953, pour le cinquantenaire de la mort de Gauguin, une première exposition de peinture y est organisée. Progressivement, l’idée d’un lieu d’exposition puis d’un musée fait son chemin. Elle est notamment portée par les visionnaires qui créeront l’association des Amis du musée de Pont- Aven. Il faut attendre 1981 pour que le conseil municipal décide la création d’un musée, qui sera inauguré en juin 1985 dans l’ancienne poste.

Devenu trop petit et manquant de visibilité, ce premier musée au monde consacré à l’école de Pont-Aven doit se transformer. Le projet naît en 2007 et le choix de réhabiliter l’annexe de l’hôtel Julia s’impose rapidement. À cela s’ajoute la rénovation de l’ancien musée, ainsi que la création d’une aile contemporaine. Les travaux confiés à l’Atelier de l’île commencent en juillet 2013 et la réouverture au public a lieu le 26 mars 2016. La nouvelle architecture du bâtiment, mêlant tradition et modernité, s’intègre parfaitement à la ville en préservant l’identité de Pont-Aven, comme en témoigne le jardin « Filiger » de la cour intérieure, inspiré du tableau Paysage rocheux – Le Pouldu de Charles Filiger, conservé au musée. Cet esprit se retrouve également dans les lustres et tapis de la designer Matali Crasset, conçus spécialement pour le musée et qui ornent la salle Julia. Leur forme de cercle chromatique, inspiré par Sérusier, et leur simplicité correspondent parfaitement à l’un des principes de l’école de Pont-Aven : le synthétisme.

Signe d’une mue réussie, et grâce à sa réputation internationale et à la richesse de sa collection, le musée de Pont-Aven est aujourd’hui l’un des 4 partenaires du musée d’Orsay à Paris. Reconnue dans le monde entier, la marque « Pont-Aven » est synonyme de qualité, de richesse artistique et de créativité.

La Cornouaille, terre d’inspiration pour les peintres

Autour de l’école de Pont-Aven et du Pouldu, dont les plus illustres représentants sont Paul Gauguin, Paul Sérusier et Émile Bernard, des mouvements artistiques reconnus internationalement vont fleurir en Cornouaille. Ainsi, tout au long des XIXe et XXe siècles, les artistes vont venir s’y installer et créer de nouveaux mouvements picturaux. Concarneau, lieu de passage obligatoire pour les peintres américains de l’époque (Howard Russell Butler, Arthur Wesley Dow, Walter Gay…), accueille de nombreux artistes dont Théophile Deyrolle et Alfred Guillou – ils sont tous deux à l’origine de la création du « groupe de Concarneau » ou « école de Concarneau ». Sous l’impulsion de ces artistes et de bien d’autres (Lionel Floch, Max Jacob, Mathurin Méheut, Henri Rivière, Xavier Grall, etc.), l’émulation gagne la Cornouaille et les mouvements artistiques se multiplient, avec notamment l’école des peintres de Pont- Croix et le centre pictural de Douarnenez, surnommé le « Barbizon breton ». Ils ont trouvé dans le Sud- Finistère des lieux d’accueil, d’études, de reportages et, d’après Paul Gauguin, de « retour au primitif » pour représenter l’insaisissable. La population composée majoritairement de marins, d’ouvriers et de paysans, le patrimoine architectural et religieux, les costumes sont autant d’inspirations favorables à la création pour ces « colonies » d’artistes. Les éléments naturels et la lumière en particulier viennent ensuite parachever le travail sur les couleurs. C’est d’ailleurs cette lumière hors du commun qui est à l’origine de l’attrait des artistes pour la Cornouaille.

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